Neurologie

Plus on apprend de choses sur la douleur chronique, plus elle semble complexe, en particulier les liens entre le corps et le cerveau

Reconnecting the Brain With the Rest of the Body in Musculoskeletal Pain Research. J Pain. 2021 Jan;22(1):1-8. doi: 10.1016/j.jpain.2020.02.006. Epub 2020 Jun 14. Helene M Langevin

 

Au cours des dernières décennies, la recherche sur la douleur a considérablement renforcé notre vision de la douleur chronique comme une « maladie du cerveau » mais cela ne tient pas compte de l’importance des tissus périphérique dans la génération de la douleur chronique.

 

La douleur et le cerveau

Il est largement prouvé que pour traiter avec succès les douleurs musculo-squelettiques, il ne suffit pas de « réparer la partie cassée ». La recherche s’est donc détournée du diagnostic des causes structurelles de la douleur musculo-squelettique pour se tourner vers des facteurs psychologiques, tels que l’évitement de la peur et la dépression. Cependant, ce glissement vers les éléments psychologiques de la douleur musculo-squelettique peut négliger certaines sources importantes de nociception des tissus périphériques que nous n’avons pas encore pleinement comprises. Dans le dos, par exemple, il est prouvé que d’importants « générateurs de douleur » somatiques peuvent exister dans des tissus autres que la colonne vertébrale (par exemple, les muscles, les fascias), et des modèles intégratifs qui intègrent la plasticité de ces tissus ainsi que du système nerveux dans un ensemble biopsychosocial intégré sont en train d’émerger. Une question plus générale pourrait alors se poser : lorsqu’un patient éprouve une douleur musculo-squelettique qui dure plus de 3 mois, cette douleur est-elle « entièrement dans le cerveau » ou pourrait-il y avoir une pathologie du tissu musculo-squelettique que nous ne comprenons pas encore complètement sur le plan phénotypique, mais qui pourrait contribuer à la chronicité de la douleur ?

 

Tissus myofasciaux : Pièces importantes du puzzle de la douleur chronique

Il est prouvé que les processus inflammatoires chroniques dans les tissus mous pourraient jouer un rôle, en particulier en cas de traumatismes répétés. L’inflammation est importante car elle peut sensibiliser les neurones nociceptifs des fascias profonds, et provoquent une acidose tissulaire, qui a été associée à des douleurs musculo-squelettiques chez plusieurs modèles animaux. Même lorsque la douleur et l’inflammation disparaissent, les cicatrices et les adhérences peuvent entraîner des restrictions de mouvement qui s’accumulent avec le temps. Un problème pourrait être que ces études ont tendance à se concentrer sur des muscles isolés, alors que le tableau général est sans aucun doute plus complexe si on tient compte du retentissement aux autres muscles des dysfonctions de l’un d’entre eux.

 

Connecter le cerveau et le corps par le biais du comportement moteur : Fermer la boucle de la douleur chronique

Une approche biopsychosociale de la douleur musculo-squelettique chronique doit inclure non seulement ses composantes biologiques et psychosociales, mais aussi la manière dont ces composantes s’influencent mutuellement. Il est prouvé que les mouvements du corps influencent la croissance et la régénération musculaires ainsi que le remodelage du tissu conjonctif. Il est important de noter que la forme de nos tissus musculo-squelettiques reflète les mouvements que nous faisons, ainsi que ceux que nous ne faisons pas, de sorte que les tissus deviennent moins mobiles dans les directions qui ne sont pas déplacées habituellement en raison d’une mauvaise posture et/ou d’un mode de vie sédentaire.

 

Le corps et l’esprit face à la douleur musculo-squelettique chronique

Les exercices physiques et psychologiques et la rééducation pratique du mouvement visent à sensibiliser et à corriger les mauvaises habitudes de mouvement et offrent une fenêtre d’opportunité pour prévenir ou inverser les anomalies tissulaires et réduire la douleur. Des techniques et des exercices moins bien étudiés qui portent sur la posture et le mouvement du corps entier pourraient être utiles pour aider les patients à prendre conscience et à corriger les habitudes de posture et de mouvement qui peuvent être à l’origine de douleurs musculo-squelettiques apparemment « sans rapport » dans différentes parties du corps.

Les pratiques du corps et de l’esprit comprennent un groupe important et diversifié de procédures ou de techniques. En général, ces pratiques se répartissent en trois grandes catégories :

1) les pratiques dont l’apport thérapeutique principal est mental, comme la méditation basée sur la pleine conscience, la thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnose et les techniques de relaxation ;

2) les traitements corporels comme le massage, la chiropractie et l’acupuncture dont l’apport principal est physique ;

et 3) les pratiques comme le yoga et le tai-chi dont l’apport est à la fois mental et corporel.

Bien que ces pratiques relèvent du domaine des thérapies « complémentaires », elles sont de plus en plus intégrées dans les traitements conventionnels tels que la psychologie clinique et la thérapie physique et de l’exercice.

Pour être pleinement intégrée, la recherche sur la douleur musculo-squelettique devra faire le lien entre les tissus, les zones anatomiques et les systèmes corporels. La recherche sur les approches de l’esprit et du corps est bien placée, de par sa nature même, pour encourager une approche « globale » afin de mieux comprendre la douleur musculo-squelettique, et cela doit commencer par reconnecter le cerveau avec le reste du corps.